Sénégal : Quels enseignements pour les législatives 2017 ?

Par BAKALA KANE

Le dysfonctionnement administratif, un système électoral inféodé au pouvoir, la mal gouvernance des confréries religieuses, la faiblesse de la société civile, le recul démocratique. Ce sont là les principaux enseignements que les observateurs tirent des législatives 2017 qui ont consacré une Assemblée monocolore dominée par la coalition présidentielle Benno Boko Yakaar avec 125 députés sur les 165 que compte cette nouvelle législature.

 

Incontestablement en Afrique subsaharienne, le Sénégal est un modèle démocratique dont les origines remontent à 1976 quand Senghor, le père de la nation instaura un multipartisme limité à 3 partis d’inspiration libérale et démocratique, sociale démocratique et communiste marxiste léniniste.

Après 41 ans d’expérience, cette image semble être fissurée après une période d’alternance réussie en 2001 par Abdoulaye Wade et son successeur Macky Sall en 2014, qui entame la 13ème législature avec une majorité absolue à l’Assemblée Nationale avec 125 sièges sur les 165 que compte l’hémicycle, à l’issue d’âpres législatives marquées par des couacs administratifs qui altèrent un peu cette large victoire de la coalition présidentielle Benno Boko Yakaar.

Le recensement biométrique est un progrès dans la modernisation de l’Etat civil. Et cette opération cumulée avec l’intégration au niveau de la CEDEAO est une œuvre de longue haleine. Cette coïncidence avec les élections pose des problèmes d’organisation et d’anticipation à l’administration sénégalaise. Les nombreux dysfonctionnements relevés durant les élections résident en particulier dans le retard des cartes d’identité biométrique qui a entraîné la confusion dans les bureaux de vote et des retards énormes à l’ouverture comme à la fermeture. Des milliers de citoyens n’ont pas également voté faute de retrouver leur nom sur les listes électorales. Une des faiblesses notoires de la CENA dont l’inféodation au pouvoir pose l’indépendance du système de régulation des élections. C’est la première faillite du système électorale dont le fondement à un tour pose le problème du mode d’élection qui ne favorise en fin de compte que le pouvoir en place.

Hier, Wade avait les trois quarts de députés et Macky aujourd’hui, la majorité royale avec 125 sièges. Cette suprématie de la coalition Benno Boko Yakaar ne reflète pas la majorité sociologique au Sénégal. Les voix de toute l’opposition sont supérieures à celles de la coalition arrivée en tête mais ne totalisent que 30 députés au final. Ce paradoxe électoral est qualifié par les observateurs de recul démocratique qui fait perdurer le système de fromage des partis politiques en compétition. Leur pléthore pose des questions à la démocratie. Avec 228 partis politiques et 47 listes pour les législatives, c’est l’arbre qui cache la forêt.

Le troisième enseignement est relatif à la gouvernance des confréries religieuses. Dans un pays à 94 pour cent musulman, les principaux chefs religieux d’obédience Tijane, Mouride, Layène jouent un rôle de tampon entre les politiques et les fidèles. Et dans un état républicain et laïc, cette osmose interroge le modèle démocratique. Avec ce nouveau paysage politique caractérisé par l’avènement de l’islam politique, représenté aujourd’hui par 3 députés de PUR, c’est tout le modèle démocratique qu’il faudra repenser pour un nouveau projet de société qui interpelle la société civile, en particulier les mouvements citoyens comme « Y’EN A MARRE », dont la faiblesse dans ces dernières élections focalise l’attention des observateurs qui pointent du doigt l’argent électoral et le achats des consciences qui renvoient à des époques révolues.

La santé démocratique en dépend, c’est le quatrième enseignement qui appelle à des états généraux de la société civile avant 2019.

 

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