Guillaume Soro, Grand Maître de l’Ordre ivoirien du Pardon et de la Réconciliation

UNE TRIBUNE INTERNATIONALE DE FRANKLIN NYAMSI
Professeur agrégé de philosophie
Washington, Etats-Unis

Les temps de grandes confusions voient malheureusement bon nombre d’imposteurs prospérer. Or dans une société qui veut s’élever à la dignité de civilisation politique de référence, la critique et la perspicacité des sachants doivent décourager et défaire les imposteurs. Ces derniers, en ruses et rodomontades, débordent d’imagination. Ils inventent ainsi des camisoles de force, dont ils s’essaient à affubler les libérateurs et serviteurs du peuple. Les agents du Chaos méritent dès lors une réponse structurée des amoureux de l’Ordre. Le Chaos, c’est la haine, l’exclusion, la xénophobie diversifiée, l’hypocrisie, l’ingratitude, le tribalisme, les manoeuvres mensongères de la complotite, « le blanchiment spirituel » des deniers publics, et consorts. L’Ordre, c’est d’oser l’amour, l’inclusion, la république fraternelle, la sincérité, le courage politique et l’action pour la prospérité commune. En Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, de longue date, s’est inscrit dans la lignée de l’inclusion politique tous azimuts. Mais mieux encore, le discours historique du 20 juillet 2017, prononcé par le Chef du Parlement ivoirien à son retour d’Europe, le place désormais bien plus haut dans l’estime des siens : il s’installe dans toutes les âmes de bonne volonté de ce pays comme incontestable Grand Maître d’un Ordre Ivoirien du Pardon et de la Réconciliation qui est aujourd’hui le meilleur rempart de l’intérêt général. Je voudrais dans la présente réflexion, montrer : 1) Ce que les Ordres justes peuvent apporter à une société de progrès, par opposition aux Ordres artificiels et injustes ; 2) Montrer que la Côte d’Ivoire a de toute urgence besoin d’un Ordre du Pardon et de la Réconciliation ; 3) Montrer à quels signes et gestes l’on peut reconnaître que Guillaume Soro en est l’incontestable Grand Maître.

Ordo ab Chao…

D’emblée, donnons des définitions pour cerner le domaine de notre réflexion. L’Ordre est une mise en rapport d’un objet ou d’un sujet, ou d’un groupe de personnes avec une ou plusieurs valeurs considérées comme des normes. Pour que l’action humaine et mieux, la vie sociale soient possibles, il faut que le chaos soit surmonté par des actions ordonnées, qui sont à l’origine du monde de la culture. Un Ordre, plus précisément, est une société initiatique dédiée au perfectionnement des qualités physiques, morales et spirituelles de ses membres. Les sociétés religieuses chrétiennes, juives, musulmanes, sont constituées en ce sens d’ordres divers. Dans le christianisme, on connaît par exemple les franciscains, les jésuites, les bénédictins, les luthériens. Dans le judaïsme, on connaît par exemple les ashkénazes, les sépharades, les hassidiques, etc. Dans l’Islam, on connaît les mutazilites, les wahhabites, les chiites, les frères musulmans, les jihadistes, les salafistes, les alaouites, les mourides, etc. Dans le monde judéo-chrétien et musulman, on connaît l’existence des Francs-Maçons, des Rose-Croix ou des Templiers, etc. Tels sont les différents ordres qui vivent encore dans nos sociétés contemporaines. Nos valeurs morales, nos normes juridiques et politiques, puisent d’une manière ou d’une autre dans les symboles, idées et valeurs cultivées dans ces différents ordres spirituels à l’oeuvre dans nos sociétés. Soyons-en pleinement conscients. Le démocrate républicain doit dès lors être attentif aux valeurs et pratiques promues par les différents ordres qui travaillent l’Underground social. On verra que de fait, il n’y a que deux types d’ordres dans toutes nos sociétés : ceux dont les normes et les pratiques sont compatibles avec le respect de l’idéal républicain de tolérance, de fraternité et de justice et ceux qui, bien au contraire, servent des contre-valeurs, comme l’intolérance, l’exclusion sociopolitique et la perpétuation de l’injustice dans le domaine des affaires publiques. Ce ne sont donc pas les valeurs proclamées par un ordre quelconque qui permettent d’en juger l’utilité sociale, mais les effets des pratiques de ses membres, en leur qualité de citoyens à part entière, exemplifications concrètes des valeurs généreuses de tolérance que bon nombre revendiquent volontiers, alors que finalement, très peu les pratiquent en réalité. Et d’une.

De la nécessité d’un Ordre ivoirien du Pardon et de la Réconciliation…

Tous les ordres que j’ai cités en exemple ci-dessus existent donc bel et bien en Côte d’Ivoire. De fait, presque tous, à tout le moins. Mais je voudrais montrer à présent pourquoi le plus important des ordres dont ce pays ait vraiment besoin, ce n’est aucun de ceux que j’ai cités, mais celui du Pardon et de la Réconciliation de tous les Ivoiriens. Non pas que je conteste le bien-fondé des différents ordres. J’en appelle plutôt à leur contribution à la prise de conscience de l’élévation dont ce pays a aujourd’hui besoin. Par-delà les particularismes ambigus.

En effet, à partir le déclin du magistère du Président Houphouet-Boigny dès 1989, la Côte d’Ivoire a été collectivement mise en demeure de choisir sa forme républicaine suprême, entre deux modèles également fragiles : d’une part le modèle identitaire de l’ivoirité, qui voulaient réduire le Bien Commun de ce pays à une caste autoproclamé de vrais Ivoiriens ; d’autre part le modèle de gestion patrimoniale néolibérale, qui estimait que le Bien Commun consisterait en l’ouverture du marché du pays à la libre concurrence capitalistique dont sortiraient par effet de dominos, la prospérité et l’inclusion collectives. Or ces deux modèles ont échoué. L’ivoirité a engendré les coups d’Etat et la guerre civile. Le néolibéralisme a accéléré la marginalisation économique du grand nombre et la désespérance des jeunes générations, aujourd’hui envahies de microbes et de gnambros. Des deux côtés, on a donc échoué à réconcilier la Côte d’Ivoire avec elle-même, politiquement et socioéconomiquement. Politiquement, on a organisé des exorcismes réconciliateurs dès 2000, 2001, 2003, 2005, 2007, 2010, pendant de longs cycles de négociations politiques, qui n’ont pu empêcher la déflagration postélectorale de 2010-2011, avec ses plus de 3000 morts inutiles. Socioéconomiquement, on a programmé l’émergence avant d’avoir simplement satisfait les conditions fondamentales de décollage de la socioéconomie. On s’est ainsi réfugié dans l’autosatisfaction paradoxale d’une croissance économique s’accommodant cyniquement avec la pauvreté des masses et le surendettement continu de l’Etat. Ainsi, le pays est encore en attente de ces deux réconciliations fondamentales, la politique et la socioéconomique, comme l’ont du reste attesté les rapports internationaux et pertinents de la CEDEAO, de l’UA, de l’ONU, du Parlement Français et de nombreux observateurs politiques de tous bords idéologiques. Voilà pourquoi il me semble aberrant d’imaginer un véritable pas en avant de la Côte d’Ivoire sans la pleine réalisation de sa réconciliation politique et socioéconomique totale. Ce qui suppose une mise de toutes les forces politiques à équidistance par une loi fondamentale juste et équitable, mais aussi rigoureusement respectée par tous. Ce ne sont donc pas les ordres particuliers qui cohabitent en Côte d’Ivoire qui la sauveront, mais l’effort de tous, par-delà leurs obédiences, à penser un Bien Commun Ivoirien incontestablement utile à la paix, à la stabilité, à la sécurité, à la prospérité de la Côte d’Ivoire.

Pourquoi Guillaume Soro est le Grand Maître de l’Ordre ivoirien du Pardon…

C’est ici que j’en viens à la partie conclusive de mon raisonnement. De tous les acteurs politiques ivoiriens actuels, qui incarne à merveille la double volonté de sortir de la logique identitaire de l’ivoirité et de la logique du néolibéralisme patrimonial ? Qui appelle au Pardon et à la Réconciliation, tous les Ivoiriens de tous les bords politiques, et qui accepte de se considérer d’emblée comme redevable envers tous et chacun, en vue de la réelle naissance d’un pays nouveau ? On s’accordera à reconnaître que la figure de Guillaume Soro s’impose ici à l’observation objective. Avant de revenir sur les raisons pour lesquelles le Chef du Parlement Ivoirien s’impose sur ce terrain du Bien Commun, je voudrais analyser les stratégies actuelles des ennemis du Pardon et de la Réconciliation en Côte d’Ivoire.

IL y a en effet au moins cinq groupes d’adversaires de l’espérance en ce pays :

Ceux qui ont provoqué le conflit national, soit en pratiquant des politiques d’exclusion identitaire, ou d’exclusion néolibérale, sans jamais vouloir reconnaître leurs torts.
Ceux qui ont été des acteurs majeurs du conflit national et qui se défaussent entièrement sur leurs adversaires, refusant de reconnaître la moindre once de responsabilité dans les déflagrations de 1999, 2000, 2001, 2002, 2004, 2007, 2010-2011, tout comme dans les remous et agitations dommageables de ces dernières années.
Ceux qui espèrent profiter d’une version partiale du conflit national pour éliminer leurs adversaires et rivaux politiques supposés, des futures compétitions électorales.
Ceux qui croient résoudre les problèmes de leadership politique dans ce pays par des logiques successorales de type monarchique et patrimonial, alors même que le peuple citoyen de Côte d’Ivoire ne s’est plus laissé voler un vote depuis octobre 2000.
Ceux qui, enfin, par naturel sceptique et pessimiste, ont tant et si bien perdu foi en l’humanité ivoirienne qu’ils n’en attendent plus que le pire.

Or, c’est précisément face à ces cinq groupes que Guillaume Soro se dresse comme force de solution et comme visionnaire du progrès spirituel requis pour son pays.

Aux premiers, Soro s’efforce de faire valoir que la Côte d’Ivoire doit choisir une troisième voie, à l’écart de l’ivoirité et du néolibéralisme patrimonial : la voie du libéralisme social, ou du socialisme libéral, écologique, humaniste et solidaire.

Aux deuxièmes, Guillaume Soro montre que seuls ceux qui ont eu le courage de faire la guerre doivent avoir le courage de la paix. IL tend la main à tous, y compris à son pire adversaire militaire de tous les temps, l’ancien Président Laurent Gbagbo, avec lequel Guillaume Soro veut aller au Pardon et à la Réconciliation.

Aux troisièmes, Soro indique que les responsabilités dans la crise ivoirienne étant indiscutablement partagées, l’on doit désormais mettre fin à la logique de vengeance et de répression unilatérale, pour placer l’avenir du pays au centre des vraies préoccupations de ses filles et fils.

Aux quatrièmes, le Président Soro indique clairement que l’exclusion par argutie ne prospèrera plus en Côte d’Ivoire, car l’éveil du Peuple citoyen envers les entrepreneurs ethnocentriques est irréversible. La Côte d’Ivoire choisira ses dirigeants futurs sur projet et non sur injonction.

Enfin, à la cinquième catégorie citée, Guillaume Soro indique, à la manière du philosophe américain Herbert Marcuse, dans Raison et Révolution que c’est pour ceux qui sont sans espoir que l’espoir est véritablement permis. Pour bien entreprendre, point besoin d’espérer.

Voilà pourquoi je dis, qu’au regard de sa longueur d’onde d’avance sur ces cinq groupes de forces d’inertie, Guillaume Soro, par sa déclaration du 20 Juillet 2017, comme par son Discours d’orientation du 3 avril 2017, s’est résolument investi de la haute conscience de ce dont la Côte d’Ivoire a hautement besoin : le pardon et la réconciliation véritables de ses forces vives en vue d’une nouvelle grandeur civilisationnelle. IL n’est pas Grand Maître parce qu’il trônerait sur tous les Ivoiriens. IL n’est pas Grand Maître pour se faire valoir devant les autres, au nom d’un culte des apparences dont les limites sont évidentes de tous temps. IL n’est pas Grand Maître pour dire aux Ivoiriens qu’il sait ce qu’ils doivent penser et faire, ou leur demander de se mettre à sa guise, à sa personnelle et personnifiée disposition. Non, Guillaume Soro est Grand Maître au sens de la conscience de sa grande responsabilité pour tous. IL est Grand Maître parce qu’il veut rendre le seul service qui puisse grandir la Côte d’Ivoire. La Maîtrise véritable, celle qui se passe de fanfaronnade, c’est le dévouement sacerdotal à l’Idéal de Civilisation de notre humanité. Et c’est à ce diapason de transcendance que le destin national, depuis son adolescence militante, appelle résolument Guillaume Soro. N’en déplaise aux mauvaises consciences. Et plaise à Dieu !

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