Mauritanie : Oukases de Ould Aziz contre l’opposition démocratique

Par BAKALA KANE

Le contournement des accords de Dakar en 2009 pour aboutir en 2016 à un dialogue politique exclusif, la réforme constitutionnelle et les règlements de compte aux opposants de cette réforme résument parfaitement les paris que le président mauritanien est en passe de gagner à deux ans de la fin de son deuxième quinquennat.

Les observateurs s’interrogent sur l’échec de l’opposition démocratique, son incapacité à relever tous ces défis alors que tous les ingrédients sont réunis pour le changement.

La crise politique actuelle remonte à 2008, précisément le putsch du général Ould Aziz, suivi des accords de Dakar en 2009 sans lesquels Ould Aziz ne serait pas président aujourd’hui. Une fois élu en juillet 2009, il a tourné le dos au dialogue inclusif avec l’opposition démocratique et remis aux calendes grecques la réconciliation nationale. Le nouveau locataire du palais de Nouakchott a réussi ainsi avant les présidentielles de 2014 à diviser l’opposition en poussant quelques dialoguistes à la table des négociations. Résultat des courses, une réélection pour un nouveau quinquennat. Deux paris gagnés en 5 ans qui le poussent à engager des réformes constitutionnelles à deux ans de la fin de ce deuxième quinquennat.

Le même scénario se reproduit avec un dialogue national où l’opposition démocratique est absente. Ould Aziz gagne son troisième pari en attendant l’aval du parlement. C’est le début d’une grave crise institutionnelle avec le véto du Sénat. Le bras de fer entre le pouvoir et les sénateurs et l’opposition démocratique donnera naissance au référendum boycotté par la majorité des mauritaniens dans leur diversité mais, au final avec des résultats favorables aux amendements constitutionnels, c’est-à-dire la suppression du Sénat pour des conseils régionaux et changement des symboles nationaux (drapeau et hymne).

Un quatrième pari gagné pour le moment sur fond de répression des leaders de l’opposition avant de passer à la vitesse supérieure pour régler tous ses comptes à ses opposants. Dans le collimateur, plus d’une vingtaine de personnalités politiques, en particulier les sénateurs, en première ligne le chef des frondeurs, Ould Ghadda, en attente d’un procès, accusé de crime transfrontalier par le parquet général.

Il y a également des personnalités issues de la presse indépendante, des centrales syndicales libres, accusées de corruption en liaison avec le richissime Bouamatou, exilé au Maroc et considéré par Ould Aziz comme le principal instigateur de l’agitation politique actuelle et d’enrichissement illicite. Le milliardaire mauritanien est actuellement sous mandat d’arrêt international.

Un cinquième pari en passe d’être gagné si l’opposition dans sa globalité ne fait rien. Les observateurs s’interrogent sur cette impuissance et surtout sur sa passivité à relever le défi et mobiliser les citoyens pour un changement, alors que le pays va plus mal avec une situation économique désastreuse aggravée par une monnaie nationale en chute libre et une famine qui guette les régions du Sud et de l’Est.

 

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