Mauritanie : Ould Aziz rattrapé par l’histoire après le référendum

Par BAKALA KANE

La suppression du sénat et le changement de drapeau sont les deux mamelles de la révision constitutionnelle qui attendent les mauritaniens après le référendum du 5 août dernier. Ces deux changements fondamentaux interrogent l’histoire de la Mauritanie. Cette ancienne colonie française de l’Afrique occidentale se réclamant dès son accession à la souveraineté nationale comme un trait d’union entre les mondes africain et arabe.

Le premier amendement renvoie au putsch du Général Ould Aziz réussi grâce à la pression des sénateurs de l’époque en 2008, qui ont forcé le président élu démocratiquement Sidi Ould Cheikh Abadallahi à démissionner. Et le second, relatif aux deux bandeaux rouges sur le nouveau drapeau ne symbolisant que les martyrs des officiers maures, si les observateurs se réfèrent à l’oubli volontaire récemment, du président mauritanien de citer les officiers noirs lors de la cérémonie d’hommage à l’armée mauritanienne. Cette politique négationniste interpelle la cohabitation.

Le rêve d’une Mauritanie unie et démocratique s’éloigne de jour en jour et cela depuis juillet 2009. Ironie de l’histoire, ce sont des sénateurs qui ont poussé le Général Ould Aziz à faire un coup d’Etat en 2008 et forcé ainsi le président élu démocratiquement Sidi Ould Cheikh Abdallahi à démissionner. 9 ans après, c’est le président Ould Aziz, lui-même réélu pour un autre quinquennat, qui veut supprimer le Sénat en décidant un référendum qualifié par l’opposition de « deuxième coup d’Etat ». Une confrontation entre les deux pouvoirs qui aboutit aujourd’hui à l’une des plus graves crises institutionnelles du pays.

Et c’est Ould Aziz qui en sort vainqueur pour le moment avec plus de 85 pour cent des suffrages favorables à sa réforme constitutionnelle. Mais cette fronde des sénateurs, bien que légitime, suscite des interrogations sur ce passé douloureux qui avait plongé le pays dans une impasse politique dont le Sénat était responsable. Ce sont les accords de Dakar en 2009 qui avaient débloqué la situation. La crise ouverte entre l’exécutif et le législatif est aujourd’hui provoquée par le président. Un remake de l’histoire à l’envers offrant pour l’instant une avance au locataire du palais de Nouakchott, que les sénateurs et les leaders de l’opposition devront rattraper. Il s’agira de se livrer dès maintenant et ensemble à une bataille politique permanente pour mobiliser la société civile et les syndicats. Parmi les armes qu’ils possèdent, la désobéissance civile et le recours à des grèves au niveau des centrales syndicales.

Un nouveau défi à relever avant 2019. Le deuxième souci d’Ould Aziz, c’est d’arriver à convaincre ses compatriotes que les deux bandeaux rouges sur le nouveau drapeau symbolisent le sang de tous les martyrs des officiers de l’armée mauritanienne. En omettant de citer les noms des officiers noirs lors d’une cérémonie d’hommage à cette grande muette, le chef de l’Etat fait une offense. Une grave erreur politique qui traduit encore une fois sa politique négationniste des noirs. C’est toute la pertinence de ce changement qui ne colle pas aux réalités, comme en témoignent ses larmes de crocodiles à Kaédi pour présenter les excuses de l’Etat mauritanien des crimes commis contre les noirs par le régime d’Ould Taya durant les années de braise de 86 à 91.

Aucun supposé criminel n’est aujourd’hui inquiété par la justice du pays. Et la loi d’amnistie de 93 sert de bouclier pour garder le silence. Un frein à la réconciliation nationale. C’est la cohabitation qui prend encore un coup.

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