Reynders : L’épopée d’un voyage raté à Kinshasa

Par Africa News/RAF

Habitué à se voir dérouler le tapis rouge à chacun de ses déplacements officiels dans l’ex colonie Belge, le Vice-premier ministre belge des Affaires étrangères et Commerce international, Didier Reynders, n’a eu cette fois-ci droit qu’à une grosse douche froide, reçue à son arrivée à l’aéroport international de N’djili par des fonctionnaires du ministère RD-Congolais des Affaires étrangères qui l’ont vite expédié à son hôtel kinois, en attendant la pathétique cérémonie d’inauguration de la toute première ambassade belge construite sur le sol RD-Congolais, boudée par les officiels RD-Congolais.

Jamais le voyage d’un patron de la diplomatie belge dans l’ex colonie n’avait été aussi mouvementé. Le premier épisode de cette épopée se déroule à la fois à Bruxelles dans les locaux de l’ambassade congolaise, et à Kinshasa, dans certains salons huppés. Longtemps, dans la ville haute à Kinshasa, la question de l’opportunité d’accorder ou pas le visa au VPM belge a longtemps nourri les débats. En ce moment, dans le sérail du président Kabila, confie un proche, deux camps s’affrontent. Le premier, constitué des radicaux, soutient l’idée de déclarer Reynders persona non grata.

Le deuxième, constitué des modérés, est opposé à cette idée, mais propose d’isoler le VPM belge lors de son voyage en vue à Kinshasa. Finalement, c’est la deuxième proposition qui passe. Cependant, l’obtention d’un visa n’était pourtant pas garantie pour toute la délégation belge, y compris le Vice-premier ministre lui-même, désormais indésirable dans la capitale RD-congolaise. L’idée de lui refuser le visa hante toujours certains esprits. Le vendredi 24 novembre, la décision d’octroi des visas est finalement prise. «Ça ne valait pas du tout la peine de lui –Reynders– refuser le visa. C’était lui accorder inutilement une tribune qui lui permettrait de jouer à la victime. Il fallait bien le laisser venir…dans l’enfer kinois qui l’attendait», souffle un autre proche du sérail présidentiel.

Visas finalement accordés, le deuxième épisode va se jouer à Kinshasa, à l’aéroport international de N’djili, le dimanche 26 novembre. D’habitude, quand arrive le patron de la diplomatie belge, tous les services de l’Etat opérant à l’aéroport sont en veille permanente. Coté protocole, une longue haie d’honneur se forme avant même que l’avion n’ait fini de faire le taxi. Mais ce soir-là, ce dimanche-là, rien de tel. Quelque chose a vraiment changé. Un câble s’est coupé, un pont s’est effondré quelque part. A sa descente d’avion, le VPM belge n’aperçoit aucun officiel RD-congolais dans le comité d’accueil. La haie d’honneur presque glorifiante d’autrefois a disparu, cédant la place au plus restreint, qualitativement, des comités d’accueil. Une haie au goût de déshonneur pour «le grand faiseur des dirigeants». Même la limousine de luxe a disparu. A cet instant, Reynders, déjà alerté par les services intelligents belges sur l’hostilité qui l’attendait à Kinshasa, se frotte à la réalité et mesure tout de suite la dimension de ce qui l’attend réellement. Rien de facile.

Le troisième et dernier épisode se joue le lundi 27 novembre, sur le boulevard du 30 juin, siège de la nouvelle ambassade belge en RD-Congo. Il est de notoriété publique que les autorités Rd-congolaises arrivent souvent en retard à des cérémonies officielles. Le personnel local de l’ambassade belge à Kinshasa le sait. «Ils viennent généralement en retard», murmure un diplomate. Personne ne se doute donc de ce qui va advenir. Mais quand arrive finalement l’heure du début de la cérémonie officielle et que les officiels RD-congolais se font toujours attendre, mêmes les plus optimistes se rendent à l’évidence: «la crise entre Kinshasa et Bruxelles est là».

Pourtant, tout était au rendez-vous pour une fête aussi historique que l’evènement en soi. Pour la toute première fois, la Belgique se dote d’une infrastructure digne d’abriter son ambassade en RD-Congo, après avoir été pendant plusieurs années locataire dans un bâtiment où se mélangeaient ménage et bureaux. Mais seulement, l’officiant du jour, Didier Reynders, n’est plus crédible aux yeux de Kinshasa qui lui reproche d’être le porte-voix d’une partie de l’Opposition RD-congolaise et des certains mouvements dits citoyens.

Après la réunion de Genval qui a donné naissance au Rassemblement, Didier Reynders avait reçu quelques leaders de l’Opposition qui lui en avaient remis l’acte final et ses recommandations. Un acte qui lui a tout de suite attiré l’ire de Kinshasa qui a qualifié cette réunion d’une messe noire contre la kabilie. A cela, s’ajoutent les sanctions contre certaines personnalités proches du président Kabila dont Reynders a été l’un des principaux artisans. Kinshasa en avait plein la gorge et n’attendait que son heure pour prendre sa revanche. Lundi 27 novembre, seul le gouverneur Kimbuta qui habite à quelques pas de la nouvelle ambassade a pu se rendre prudemment à cette cérémonie. Mais quand arrive le moment de couper le ruban symbolique, il s’éclipse. Il ne veut nullement poser un acte qui lui attire la colère de sa famille politique qui a pris la décision de zapper la cérémonie et d’isoler l’hôte du jour.

Un déshonneur pour plusieurs analystes politiques. L’imagination belge fonctionne, on déniche dans l’assistance un féticheur réputé de Kinshasa, qui coupe finalement le ruban symbolique est procède à l’inauguration de la nouvelle ambassade belge. L’image parle d’elle-même: la toute première ambassade belge construite dans l’ex colonie est inaugurée par un féticheur, en l’absence des officiels RD-congolais! Un déshonneur, un véritable gâchis! Officiellement indésirable, le Vice-premier ministre belge va prendre son avion dans la soirée pour Bruxelles, sans avoir été rencontré un seul officiel. Une première!

Henry MBUYI

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